L’école de Berck, l’authentique à l’épreuve du monde...

18 mai - 5 novembre 2019

L’école de Berck,
l’authentique à l’épreuve du monde...
18 mai - 5 novembre 2019

La venue des peintres à Berck est un phénomène qui, certes n’est pas isolé dans le dernier tiers du XIXe siècle, mais qui ne cesse de surprendre par son ampleur, avec un répertoire qui dépasse maintenant les 200 noms. Il se cache donc, derrière les personnalités les plus célèbres – Manet et Boudin en l’occurrence – un contingent dont l’importance porte, après un siècle et demi, un message qui garde tout son sens.

S’il est aussi fourni, c’est qu’il surfe sur la vague de la modernité : le train a mis Berck à 3 heures de Paris et, en deux décennies, la notoriété balnéaire et médicale de la station est devenue internationale. Faut-il le rappeler, le peintre loge à « Berck-Plage », dans les nouveaux quartiers qui grignotent chaque jour un peu plus « l’authenticité » qui l’a attiré ici ! Il vient pour la beauté « sauvage » des dunes et de la baie d’Authie, pour le pittoresque de la plus importante marine d’échouage de France que la motorisation vient de condamner à terme et c’est bien de cela qu’il va nourrir son œuvre. Pourtant, l’histoire de l’école de Berck se confond avec celle du basculement d’un modeste village de pêcheurs dans le monde nouveau, le monde auquel les impressionnistes ont voulu adapter leur art.

Il y a les peintres qui, à la suite du comte Lepic, cherchent ici un contact privilégié avec la nature et avec ceux – les pêcheurs – dont la présence  dans le paysage revêt une forme de légitimité. Il y a les peintres qui joignent l’utile à l’agréable et profitent d’un séjour en mondaine compagnie (on croise ici les Rothschild et, à l’occasion, les princes russes) pour peindre quelques toiles, engranger des esquisses à reprendre au retour à l’atelier parisien. Il y a enfin les peintres – et c’est un phénomène dont on a rarement souligné l’importance – qui venus pour raison de santé (la leur ou celle d’un proche) deviennent ici peintres de marine : les Laronze, Besnard, Chambon, Nozal, Quignon, Trigoulet…

Tous se tourneront presque exclusivement vers le « Berck authentique », entre vision quasi-ethnographique et rêverie nostalgique, comme lorsque le benjamin de la classe Jan Lavezzari, se fait l’historiographe d’un Berck bien antérieur à sa naissance en décorant l’hôtel de ville ! Avec lui, les peintres de l’école de Berck ont transmis l’émotion d’un émerveillement que nous partageons encore aujourd’hui face à un site d’une qualité exceptionnelle, à charge pour nous de contribuer à sa préservation pour les prochaines générations. Ils ont aussi sauvegardé les maillons d’une mémoire mise à mal par les dégâts collatéraux d’une évolution que nous peinons à maîtriser. C’est de racines qu’il s’agit, de la conscience du lien qui nous unit à ceux qui furent les modèles d’un Tattegrain ou d’un Roussel, de la charge d’humanité que véhicule la collection unique en France de portraits conservée au musée. Pas des portraits de commande, pas des portraits de notables dont le genre s’épanouit sous la IIIe république mais des portraits de gens du peuple que magnifie le regard du peintre qui y met autant de respect que d’affection.

La presse locale de l’époque, en parlant de « nos peintres », exprimait à la fois un sentiment de fierté et une certaine reconnaissance de la place des artistes dans la société, ouvrant paradoxalement  la porte au long purgatoire du « régionalisme », sorte de ghetto incertain inventé par l’histoire de l’art du XIXe siècle. La constitution des collections du musée de Berck depuis son ouverture, en 1979, revendique leur héritage et, sans aller jusqu’à dire « qu’un peintre qui n’est de nulle part est un inutile », rend justice à des peintres qui, quelles que soient les circonstances de leur venue, furent séduits par notre ville et contribuèrent à en promouvoir l’image, ce qu’ils font encore aujourd’hui.