La Collection Bellon

Racines régionales

2012.5.9

  

La collection Bellon

Dans les années 1870, Louis-Gabriel Bellon (1819 – 1899) investit les bénéfices tirés du lucratif commerce de draps et d’habillement, qu’il exerce à contrecœur à Rouen, auprès de son beau-frère, dans la constitution de ce qui devient la plus importante collection d’antiques de France à la fin du XIXe siècle. Comme la plupart des grands collectionneurs de son époque, Bellon se passionne pour l’antiquité classique et ses statuettes de Tanagra sont alors présentées lors des grandes expositions et publiées dans les catalogues qui les accompagnent.

Son fils Paul (1844 – 1928) réaménage la propriété familiale, à Saint-Nicolas-les-Arras en un véritable musée privé qui ajoute, aux trois salles du second étage où l’on trouve également des peintures de son ami Corot et de ses élèves, une galerie de 12, 75 m de long pour 5, 70 m de large, entièrement consacrée aux antiquités.

En octobre 1914 et au début de l’année 1915, la propriété Bellon où loge l’état-major d’un régiment de zouaves est sous les bombes allemandes. Seule une partie de la collection pourra être sauvée tandis que des milliers d’objets sont irrémédiablement détruits,  ainsi qu’une partie de la documentation relative à leur origine. C’est aussi tout un pan de la mémoire archéologique du nord de la France qui s’efface.

   

Bellon registre verre

   

Louis-Gabriel Bellon, archéologue

La découverte de plusieurs nécropoles, à quelques centaines de mètres de sa maison, permettent à Bellon de goûter aux émotions de la découverte en compagnie d’Auguste Terninck, célèbre pionnier de l’archéologie régionale qui consigne les résultats de leurs recherches dans les pages de l’Artois souterrain. De 1875 à 1879, ils explorent un groupe de sépultures datant des débuts de la romanisation dont quatre tombes aristocratiques où le mobilier importé, rare dans la région, illustre l’adoption des rituels funéraires de l’élite en vigueur dans le monde méditerranéen. Élément principal du service de la boisson, une œnochoe en bronze provenant sans doute d’un atelier de Campanie en est le plus luxueux témoin qui nous soit parvenu.

Le souci d’exactitude dont fait preuve Bellon dans l’observation et l’enregistrement du contexte d’où proviennent les objets est très novateur pour l’époque. Pour les sépultures mérovingiennes de Saint-Nicolas et de Sainte-Catherine, il replace chaque trouvaille sur des fiches-type où leur position par rapport au squelette est consciencieusement reportée.

  Bellon Amiens 3

  

L’âge d’or des entrepreneurs de fouilles

Sous la Troisième République, les sites mis au jour par le développement urbain se multiplient et leur exploitation devient un enjeu à l’aune de l’engouement des collectionneurs, en concurrence avec les plus prestigieuses institutions pour l’achat des pièces les plus rares. De nombreux objets quittent le sol national, comme les découvertes effectuées dans le cimetière mérovingien de Waben aujourd’hui conservées en Angleterre ou en Allemagne. Les préoccupations scientifiques naissantes ne s’appuient pas encore sur une réglementation protégeant ce patrimoine et sur un cahier des charges définissant les capacités requises pour l’exercice de la recherche archéologique. À propos de certains objets de sa collection, Bellon indique que "la fouille a été effectuée par le cantonnier seul".  S’il note scrupuleusement les informations qu’on lui transmet, la collecte effectuée à l’aide de multiples intermédiaires n’offre pas toujours les garanties souhaitables. Ainsi, un élégant verre "trouvé à Clermont-Ferrand (en 1822) avec un pendant d’oreille en bronze dans un tombeau. Coll. Rochette de L…" s’avère être en fait un pilulier du XVIIIe siècle! Certains de ses correspondants le tiennent au courant des trouvailles au jour le jour, comme l’instituteur Cottel qui, de son village d’Amplier, surveille le site voisin de Chérisy. À Corent (près de Gergovie), Bellon fait "battre le tambour pour demander aux habitants d’apporter leurs trouvailles". S’il étend sa collecte jusqu’en Arles ou à Vintimille, il accorde un intérêt particulier à ce qui se trouve en Artois et en Picardie.

  

Bellon Photo musée arras

Amiens et Boulogne, eldorado gallo-romain

À Boulogne (Gesoriacum) et Amiens (Samarobriva), les découvertes générées par la croissance urbaine prennent une ampleur considérable. Musées et érudits des sociétés savantes ont peine à accéder au gâteau dont les entrepreneurs de fouilles, comme Lelorrain,  se taillent la part du lion. C’est ici que la collection Bellon réunit ses plus forts contingents : au moins 97 céramiques et 90 verres identifiés pour la nécropole du Vieil-Âtre (actuel emplacement du stade de la Libération et du cimetière de l’Est de Boulogne-sur-Mer) et au moins 123 céramiques et 117 verres issus des sépultures des quartiers Saint-Louis (actuelle rue Delpech) et Saint-Roch à Amiens.

L’enregistrement des objets et les planches photographiques, réalisées par Paul Bellon, permettent d’identifier les objets qui ont échappé aux bombardements allemands mais dont une partie a parfois pu disparaître depuis, comme le col du vase moulé à décors de têtes adossées trouvé à Boulogne le 20 octobre 1888.

 

La recherche des objets rares

Comme tout collectionneur, Bellon s’efforce de recueillir, dans son domaine, des objets remarquables par leur rareté et leur provenance. Outre le curieux encrier en forme de tonnelet (origine inconnue), la corne ayant auparavant appartenu à la prestigieuse collection Disch en est un bon exemple.

 

Paul Bellon et Berck, un élève de Corot à la mer

Bellon Berck ville

La propriété de la famille Bellon est célèbre pour avoir fréquemment accueilli Corot et les peintres arrageois de son entourage. Ami de Louis-Gabriel Bellon, il encourage le talent de Paul qui organise, à Saint-Nicolas-les-Arras, la célébration conviviale des 50 ans de peinture du maître en 1872. Lorsque Paul arrive à Berck, peut-être pour y faire soigner son épouse, aux alentours de 1895, il est également un photographe expérimenté. Un cliché le montre sur la plage, à l’Entonnoir, en compagnie de pionniers de la photographie par cerf-volant. Ses marines et scènes de plage, comme les œuvres conservées au musée d’Arras, témoignent d’un talent certain.

 Bellon photo plage cerf volant