Le petit cordier "La Marianne Toute Seule"
La Marianne Toute Seule est une réplique d'un bateau traditionnel de pêche berckois, un cordier creux (ou ouvert).
Il fut construit en 1992 à l'occasion du concours des « Bateaux des Côtes de France » organisé par le Chasse-Marée qui a pour but de construire une réplique ou de restaurer un bateau par ville de la côte française et de participer au rassemblement qui a lieu à Brest "Brest 1992". Un groupe de passionnés propose à la Ville de Berck la construction d'un Cordier Berckois, qui l'approuve et le soutient financièrement. Le bateau est construit dans un atelier à Berck par Pierre Lamarche et Marc Goalabré, deux diplômés des Chantiers de l'Enfer de Douarnenez.
Photo © Jean-Max Gonsseaume
Photo © Jean-Max Gonsseaume
Photo © Jean-Max Gonsseaume
La Marianne-Tout-Seule remporte le 1er prix dans la catégorie des bateaux creux de moins de 6 mètres.
Il s'agit d'un Cordier, un "cousin" du flobart gréé en Bourcet-Malet et équipé de deux mâts et à fond plat, avec une dérive centrale relevable et un mât arrière décentré et amovible. En l'absence de port dans cette région sableuse, ce type de bateau a été conçu pour pouvoir s'échouer sur les plages. Il peut supporter quatre avirons.
Longueur = 5,70 m
Largeur = 2,70 m
Voilure = 40 m2, 3 voiles : foc (à l'avant), bourcet-malet (grande voile et tape cul à l'arrière)
Son nom
Ce bateau doit son nom à Marianne-toute-seule qui était la "fondatrice de la plage de Berck". Née en 1812, elle épouse Philippe Brillard avec qui elle a six enfants. L'épidémie de choléra de 1852 lui enlève son mari et quatre de ses enfants. Veuve avec deux enfants, on la nomme « Marianne-toute-seule ». Dès 1864, elle habite une maison isolée des dunes berckoises où elle garde des enfants de pêcheurs puis des enfants malades confiés par l'Assistance publique.
La conception unique du bateau berckois
La forme générale, en usage sous différentes versions dans la deuxième moitié du XIXème siècle, est celle du flobart typique dans ses proportions (forte largeur par rapport à la longueur) et auquel un fond pratiquement plat garantit une grande stabilité sur le sec.
A cette exigence première s’ajoute celle d’une coque apte à résister aux chocs et aux traînages répétés. Expérimentée depuis longtemps dans les mers septentrionales, la construction à clins apporte de grandes qualités de souplesse à l’ensemble de la structure. Ce type d’assemblage où les bordés se chevauchent au lieu d’être jointifs permet à l’ensemble de réagir de façon solidaire, sans rompre. Afin de pouvoir être remontée, la dérive coulisse à travers un puits situé au tiers avant et décalé sur le côté droit de la quille, ce qui dégage l’espace nécessaire pour abattre le grand mât.
Ce modèle général auquel adhèrent les différents types de bateaux berckois comporte d'autres caractéristiques. Outre la voile de bourcet soutenue par le mât principal et celle de malet à l’arrière qui qualifient le grément (“bourcet-malet”), celui-ci possède un foc à l’avant. A l’arrière, l’écoute du bourcet coulisse sur l’overlope, barre forgée en forme d’arceau. La miche, parfois surmontée d’un cornichon, supporte le matrait (grand mât) quand celui-ci est abattu. Les sabords de nage permettent l’emploi des avirons, nécessaires non seulement en l’absence de vent mais aussi pour nombre d’opérations délicates qui réclament une grande maîtrise des mouvements du bateau (comme le cueillage lors de la pêche aux cordes).
Haut et large de museau, doté d’un tableau arrière à l’inclinaison raide, le bateau de Berck possède une forte identité et une silhouette très particulière.
Les vues de chantier naval à Berck sont rares et une seule d'entre elles semble avoir été éditée en carte postale. Les constructeurs faisaient appel à des essences de bois bien représentées dans les forêts de la région (Saint-Josse / La Caloterie en particulier) : la quille était fournie par une pièce de hêtre, prise dans un tronc complet, “ensablée” plusieurs années à la plage pour l’endurcir. Les bordés ployés à la vapeur étaient en orme. Epaisse d’environ 10 cm, la dérive était généralement en sapin. A l’usage, de nombreuses réparations et modifications introduisaient une certaine diversité dans l’assemblage originel!
Les charpentiers fournissant la marine berckoise travaillaient toujours, vers 1900, sans plan et uniquement à l’aide de gabarits. Si semblables dans leurs lignes générales, les bateaux étaient nécessairement différents dans les détails, fruits de l’expérience du fabricant et des souhaits de l’armateur.
Les archives communales donnent les noms de plusieurs constructeurs (Philippe Macquet en 1864, Pierre-Armand Malingre en 1871, Pierre Malingre en 1888 ....) tous installés à “Berck-Ville”. En 1923, Pierre Gatier représente l'Union à Saint-Pierre devant son lieu de naissance. Le dernier chantier (Mionnet-Bataille puis Gressier), situé Chemin des Anglais disparut lors des bombardements de 1944 et les derniers flobarts de Berck furent construits à Etaples ou dans la région boulonnaise.
Le goudronnage donnait enfin à la coque son allure définitive, le gréement étant installé sur la plage.